Comme les grands voyageurs, les vrais, ceux pour qui la route fait partie du voyage, comme les façonniers d’un travail minutieux, elle est attentive et exigeante. Auteure-compositeure-interprète, elle donne et se donne à l’image de son parcours, de ses diverses expériences humaines et entières tous azimuts, guidée par ses électro-acoustiques passions.
De la MAO (Musique Assistée par Ordinateur) au projet « Zikabibou », en passant par des études d’accordéon classique, la composition de bandes originales (pour France 3 et France 5…), des arrangements musicaux et la collaboration avec DJ ou chanteurs, Agnès Bonnaire a emprunté les chemins de traverse.
Photo: Bertrand Mussotte
Zikabibou ? Un nom évidence pour Agnès Bonnaire. Patronyme alliage de mots contractés devenus « onomatopesques » autant que slogan-cri de ralliement. Projet singulier et exclusif, « Zikabibou » est à l’image de son instigatrice. Il est le résultat presque « scientifique » de sa démarche aussi ludique que complexe. Elle écoute, observe, analyse, enregistre et mélange jusqu’à ce que l’alchimie se produise.
Avec « Zikabibou», Agnès Bonnaire explore l’univers du tout-petit. Sa méthode ? L’empirisme. Comment attirer et fixer son attention, le distraire, le stimuler, le titiller, l’amuser, le solliciter, le faire bouger ou le relaxer ?
L’utilisation récurrente et systématique de tous les objets, comme il aime en jouer, apporte la solution. Qu’il soit nouveau-né, nourrisson ou petit enfant, il tente d’identifier et d’apprivoiser son univers immédiat avec ses bruits, ses sons, ses agitations, ses bruissements, ses musiques et ses cacophonies. Les intonations et les timbres résonnent et retentissent jusqu’à devenir familiers. Des rythmes et des tempos indispensables à l’apprentissage et à l’éveil.
C’est en substance ce qu’Agnès Bonnaire apprend au cours de formations et à travers les lectures consacrées au sujet. Objectif : comprendre comment la musique, les sons, les voix, sa voix parviennent aux oreilles des tout-petits, même avant la naissance ?
Mais ces films sonores ne sauraient être qu’à l’unique destination des tout-petits. Ils nous ouvrent un autre horizon et ne sauraient s’inscrire uniquement dans la catégorie « Musique pour bébés » dont il transcendent les frontières. D’ailleurs Bibou prévoit de voyager…
« Zikabibou », nous replonge dans ce que nous avons oublié provoquant nos propres réminiscences, celles de la petite enfance, de l’errance musicale et onirique que peuvent susciter les objets du quotidien.
Une ode à l’éveil sensoriel et sonore.
Mois après mois, Agnès Bonnaire enregistre le babillage de son enfant, mais également les glouglous de l’eau, les ronronnements du chat, les jouets et les objets qu’il frotte, qu’il tape, qu’il porte à sa bouche, qu’il jette. Des séquences sonores prises sur le vif aux fréquences dynamiques et relaxantes, chaque pièce de la maison devient caisse de résonance, studio d’enregistrement, univers sonore singulier. Les voix et les objets de tous les jours représentent autant d’instruments musicaux immédiatement disponibles qui viennent stimuler l’ouïe et affûter ses sens. De la casserole au canard de bain en passant par l’allume gazinière, tout est musique.
Loin de la comptine traditionnelle, Zikabibou, à travers La journée de Bibou, est un parcours sonore dans le monde phonique et acoustique du bébé, qui se transforme en un orphéon composé de bidules, d’objets, de matières, de respirations et de babillages, de bises et de brises, de bécots et de poutoux, qui, mis en cadence et en mouvement, se métamorphosent en une musique mélodieuse.
Avec ses évolutions harmonieuses, douces et apaisantes ou enjouées et dynamiques, la journée de l’enfant se transforme en une ballade ludique et rassurante qui aiguise les sens. Le bain, le dodo ou le repas cessent d’être des moments d’angoisses pour n’incarner que le réconfort. Même l’effrayant aspirateur se mue en un objet séraphique.
Pour cette épicurienne de l’électro, tout devient musique même les impulsions électriques des jouets électroniques. L’album honore ainsi ses promesses de rencontres entre une nature par essence sonore et un monde 2.0 qui n’en est que le reflet artificiel.